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Interview de Dorothée Kozlowski

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Un(e) Lion tout feu tout… femme

En ce mois de février 2021, notre District compte 2302 membres … majoritairement masculins. Sur 100 clubs, 69 sont «men only », 22 sont mixtes, 9 sont « women only ». Sur l’ensemble des effectifs on (ne) trouve (que) 332 femmes. Elles vous le diront,  la quantité ne fait pas nécessairement la qualité. Reste que ces dames sont bien présentes, bien actives et n’hésitent pas à s’investir tant dans leurs clubs qu’à d’autres niveaux.
Les Lions ont intronisé leur première présidente internationale (Gudrun Yngvadottir.) en 2018. Le District 112D a compté deux femmes Gouverneure : Corinne Bloemendal et Marie-Christine Jourdain. Depuis deux ans c’est Dorothée Kozlowski qui préside aux destinées de la zone 61. Elles ne sont pas, et de loin, les seules femmes à œuvrer dans les structures du Lions Club International.
La femme est-elle l’avenir du Lions club? Là n’est pas le débat. Pour Dorothée, le but des Lions, c’est de « servir » sans distinction de genre et/ou de sexe.

Tu es Lions, Lionne ou … Lioness ?
« Personnellement je dis que je suis « un Lions » car je n’apprécie pas l’écriture « genrée ». Si on a envie de faire preuve de féminisme, ce n’est pas au niveau de l’écriture qu’il faut avancer ! En 1975, un statut officiel a été attribué aux femmes, on les appelait les Lioness et elles formaient ce que l’on appelait des clubs « auxiliaires » ; il s’agissait surtout de femmes de Lions qui les constituaient. On est vraiment devenues Lions en 1987. Dans les statuts internationaux, aujourd’hui, tous les clubs sont mixtes  mais il appartient au club de faire le choix de s’ouvrir ou pas à la mixité : c’est un choix de club, cela ne doit pas s’imposer ».

Les femmes restent encore peu nombreuses, certaines voudraient une parité ?
« C’est un sujet abordé dans le programme « New Voices » du Lions Club International. Il est apparu en 2018-2019 pour permettre de mettre en lumière les femmes et d’arriver à une certaine parité. A titre personnel, je pense que c’est une erreur. La parité pour moi c’est quelque chose qui crée plus de dégâts qu’autres choses. Le combat, ce n’est pas comme cela que les femmes vont le gagner. Cela doit passer par l’éducation de base ; il faut changer les schèmes et les clichés … Ce n’est pas en obligeant à avoir un quota de femmes que les choses évolueront, au contraire peut-être. Dans d’autres domaines cela créée des catastrophes… »

Facile d’être femme Lions ?
« Je n’éprouve aucune difficulté car dans ma carrière professionnelle j’ai eu des situations très difficiles à vivre en tant que femme. Faire du Lionisme en tant que femme est plus facile, cela ne me pose aucun problème ; j’ai un bagage qui me permet de faire face à beaucoup de situations et j’ai une personnalité qui me permet d’évoluer dans plusieurs milieux et de pouvoir faire face à de nombreuses situations. C’est un bagage éducatif que je dois à mes parents, j’ai beaucoup travaillé, voyagé avec mes parents … cela m’a appris à être ouverte et à ne pas avoir peur de la différence ».

Tous les clubs sont en principes « mixtes » mais la plupart restent exclusivement masculins !
« Je pense qu’il n’est pas facile pour un club de passer à la mixité, ce qui arrive parfois pour permettre d’étoffer des effectifs, ou de sauver un club. Même pour un club créé autour de la mixité, c’est un défi important et une richesse incroyable. Mais c’est difficile car ce club doit trouver un équilibre subtil entre les positions des hommes et celles des femmes. Je crois que cela demande énormément de travail pour arriver à ce qu’il y ait cet équilibre, comme ce qu’on peut rencontrer quand un club se construit avec des générations différentes. Comme dans un club mixte, il est important de trouver cet équilibre et de passer du temps pour construire l’identité du club autour de la mixité. J’ai personnellement l’impression que parfois cette étape de construction d’identité mixte est un peu bâclée… et cela peut poser des problèmes parce qu’alors on peut vite tomber dans des oublis, ou les hommes peuvent parfois lâcher des blagues  déplacées ou se retrouver dans des positions où les femmes, pour caricaturer, sont systématiquement assignées à des postes de cuisine quand il y a une activité. Il est important de prendre conscience que les femmes sont des Lions à part entière, elles ont leur place et pas uniquement à la cuisine ou à la caisse à l’entrée …

Pour s’ouvrir à la mixité, il faut que le projet ait été mûrement réfléchi. Je crois que ce qui est plus intéressant c’est quand un club se crée autour de la mixité dès le départ et qu’il arrive à créer son identité mixte. Pour un club qui s’ouvre à la mixité, il y a énormément de travail mais je reste persuadée que c’est possible ».

Les clubs masculins ou féminins sont fort différents ?
« Il y a des similitudes. Le club reste un lieu de détente. Les femmes ont aussi des vies professionnelle et familiale assez prenantes et se retrouver entre elles, c’est aussi un moment de détente. Cela permet de sortir d’un milieu où il y a un  certain « train-train » et d’agir pour le bien de l’environnement proche. Il y a un dynamisme vraiment particulier au niveau des clubs féminins, on les voit bien bouger, mais à part cela je ne vois pas vraiment de différences. Les clubs masculins peuvent être aussi dynamiques et il y a des actions aussi belles dans les clubs féminins que dans les clubs masculins, après cela peut se distinguer par le type d’activités qu’on retrouve … Je n’ai rien contre les voitures, mais souvent dans les clubs masculins il y a des activités qui tournent autour de la bagnole, ancêtre, de sport, rallye, expositions, là on reste un peu dans les clichés et je trouve cela un peu dommage ».

Et dans les clubs féminins ?
« Des ventes de bonbons, de chocolats … (rire). Trêve de plaisanterie, il faut s’ouvrir à d’autres activités. Ce que je déplore c’est qu’on manque un peu d’imagination et d’innovation dans les clubs, on est parfois redondants dans le type d’activités qu’on propose. Dans mon club de Binche Alliance par exemple, Danielle Diwo a eu l’idée de faire une activité autour du chapeau. La tradition du chapeau à Binche se situe résolument au cœur du carnaval puisque les femmes de gilles portent des chapeaux qu’elles font réaliser en fonction du costume … Le club a mis en place un concours de chapeaux avec une exposition et un défilé, cela permet une petite élection pour le chapeau folklorique le plus élégant et cela attire beaucoup de monde. Cette année, c’est partie remise avec l’annulation du carnaval mais l’attente est là et on espère que l’an prochain on pourra recommencer … »

Le recrutement est-il facile chez les femmes ?
« Cela dépend de ce que l’on cherche ! L’erreur à ne pas commettre c’est de recruter pour recruter. Lorsque l’on invite une personne à faire partie du Lions, elle doit se rendre compte de la structure dans laquelle elle entre. Il y a une période d’acculturation qui est vraiment nécessaire parce qu’un club, ce n’est pas une bande de potes qui se réunissent deux fois par mois pour boire un coup. La convivialité est vraiment importante et le fait de boire un coup ensemble aussi mais avant tout, il y a un objectif, c’est « Servir». Donc ce n’est pas si facile que ça, il faut savoir identifier des gens qui veulent bien rentrer dans cette structure et qui veulent bien avoir pour principal objectif de « Servir ». »

Est-ce plus difficile chez les femmes ?
« Cela dépend de la tranche d’âge dans laquelle on essaye de recruter parce que la femme, jusque 40-45 ans a en général une famille, des enfants dont elle doit s’occuper… c’est plus difficile de recruter des femmes en-dessous de 40 ans par rapport à des hommes qui auraient sans doute plus de disponibilités. Dans notre club on a quand même pas mal de femmes qui sont entrées plus jeunes et dont l’âge aujourd’hui est entre 40 et 50. Mais c’est vrai, ce n’est pas facile de recruter plus jeune ».

Ces recrues avaient déjà un ancrage dans le Lionisme ?
« Pas du tout. Ce sont par exemple des personnes rencontrées dans une organisation dont je fais partie, l’association « Les Polonais du centre et leurs amis ». On organise des repas thématiques et on y a associé le Lions pour unir nos forces, avoir de la main-d’œuvre et on partage les bénéfices. C’est surtout là que nous avons pu découvrir des personnes qui avaient envie de travailler et qui voulaient s’investir. Le recrutement se fait aussi à travers nos activités, la visibilité des actions a un impact sur le recrutement ».

Ton parcours ?
« Née à Binche, j’ai vécu à Vellereille-les-Brayeux ; une vie à l’extérieur, dans la nature qui m’a donné le sens de l’effort. J’ai ensuite fait des études d’institutrice primaire, métier que j’ai accompli 8 ans à ce titre avant de partir à l’étranger, au Vietnam pendant deux ans, période pendant laquelle j’ai entamé des études universitaires puis je suis partie en Turquie. Là j’ai fait un Master par correspondance. J’ai ensuite travaillé en Egypte avant de revenir au pays pour obtenir un Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées en sciences de l’Education à l’Université de Mons. J’ai travaillé comme assistante de recherche à l’Université sur le thème de la Conduite du changement puis je suis retournée travailler pendant deux ans sur un projet inter-états Vietnam-Laos-Cambodge. Il y a dix ans, de retour au pays, je suis retournée à l’Université de Mons où j’ai été engagée comme conseillère en pédagogie universitaire. J’ai commencé en Polytech puis on a ouvert un service central où je travaille avec toutes les facultés. Mon travail, c’est de venir en appui aux enseignants, de donner des formations en pédagogie universitaire aux enseignants et de les accompagner quand il y a un souci dans les évaluations qu’ils reçoivent par les étudiants ».

Ton entrée et ton chemin de Lion ?
« J’avais rencontré ma marraine, Linda Vandevoorde, Lion elle aussi qui m’avait dit « viens, cela te plairait, ça sera sympa ». C’est vrai que j’ai toujours été quelqu’un d’engagé, c’est dans la famille, mon père a par exemple créé une école d’escrime à La Hestre, on a toujours donné beaucoup autour de nous pour fournir des choses à notre environnement proche. A mon retour du Vietnam, Linda m’a relancée et c’est comme cela que je suis rentrée au club de Binche Alliance en avril 2013. L’an dernier, on m’a demandé d’entrer au District et de m’occuper de la GLT, puisque mon métier c’est la Formation, j’avais des compétences à faire valoir dans ce domaine. Je suis également Présidente de Zone depuis deux ans.

Je n’ai jamais fait la démarche d’aller demander qu’on me confie des tâches, on est venu me demander si je voulais prendre des responsabilités. Cela m’intéressait pour ce que l’on fait et pas pour le fait de « monter sur le podium ». Le Lionisme ce n’est pas pour moi une occasion de briller ou de me mettre en avant, d’être vue et admirée. Mon objectif c’est « Servir » autant les Lions que ceux pour qui ils agissent ».

Et tant pis pour ceux ou celles qui ont un égo surdimensionné. Dorothée, championne de Belgique d’escrime (épée) a appris à parer, à riposter très vite et à l’image de Cyrano de Bergerac … à la fin de l’envoi elle touche.

Ton bilan, tes souhaits …
« Mon bilan est très positif ! Je me sens extrêmement bien dans mon club et j’ai hâte que les réunions reprennent en présentiel parce que mes amies me manquent. C’est aussi la richesse du Lions, c’est qu’on peut vraiment développer une amitié, pas uniquement une amitié « Lions, » une vraie amitié avec des personnes. J’aime beaucoup les actions que l’on mène dans mon club et le plaisir et la reconnaissance que l’on peut retirer lorsque l’on arrive à aider notre environnement ».

A la Zone 61 ?
« J’ai jusqu’à présent adoré ma mission dans la Zone, j’ai rencontré les clubs, tenté de créer des liens entre eux quand c’est possible. Ce que j’aime par-dessus tout dans le Lionisme, c’est la diversité. Les clubs sont souverains. Cette autonomie, elle leur est indispensable et j’y tiens plus que tout parce qu’elle permet aux clubs de se construire, de se reconstruire, de se réinventer, d’innover. Elle nous permet d’avoir devant nous une palette de diverses identités que l’on doit rencontrer. Pour le reste, on ne peut pas obliger les clubs à faire quoi que ce soit mais si affinité il y a, il peut y avoir des connexions entre clubs. Elles commencent à se mettre en place et je  pense qu’à l’avenir on va voir fleurir des actions communes, pas nécessairement entre les 9 clubs, faut pas faire la révolution … mais les choses évoluent. Pour le reste, les réunions sont conviviales, ça me plaît et je suis contente de voir que tous les clubs ou du moins la plupart participent en attendant le retour des réunions présentielles ».